"Si l'art n'a pas de patrie, les artistes en ont une." Camille Saint-Saëns

"Un seul rêve est plus puissant qu'un millier de réalités." J.R.R. Tolkien

dimanche 17 février 2013

Des Nouvelles du Hasard : "Élucubrations d'un survivaliste malgré lui" (d'Elsa Battaglia)

Voici la première nouvelle du hasard. Elle est signée Elsa Battaglia et s'intitule Élucubrations d'un survivaliste malgré lui. Merci à l'auteure d'inaugurer la rubrique !

Les éléments imposés qui furent déterminés se trouvent listés après la nouvelle. Cependant, afin de ne pas gâcher le plaisir de la lecture, je vous conseille fortement d'y jeter un œil APRÈS avoir lu le texte.

D'autre part, vous pourrez noter cette nouvelle, tout en bas de cet article. Le style, la qualité d'écriture comptent bien sûr pour la note, mais il faut également juger si le contrat a été rempli : les éléments imposés ont-ils tous été traités convenablement ? 

N'hésitez pas à laisser un commentaire. Merci et bonne lecture !



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Élucubrations d'un survivaliste malgré lui

Elsa Battaglia



Jour, ou nuit, chaque heure se ressemble. Quel temps fait-il dehors ? En quelle saison sommes-nous ? Des questions oubliées qui resurgissent parfois... Depuis combien de temps sommes-nous ici, serrés les uns contre les autres dans cet endroit exigu, loin de la lumière du jour, à attendre...   J'aurais préféré rester libre, là dehors, plutôt que d'être enterré pour survivre... Survivre, oui, c'est bien cela. Faire plus que vivre. Respirer l'air vicié d'un lieu clos au lieu de l'air pur de dehors. Rester prostré et recroquevillé dans l'obscurité au lieu de s'étendre en plein soleil... Au lieu de vivre une vie aussi brève fût-elle devant l'inéluctable, j'attends ma mort dans mon cercueil. Comment suis-je arrivé là... je ne me souviens plus. Les choses avaient commencé à se dégrader là au dehors. J'ai souffert de la sécheresse, cette éternelle sécheresse qui m'a fait manger mon quota de poussière. J'ai dû me battre bec et ongle pour faire mon trou. La situation était désespérée. Puis soudain le trou noir. Je me suis réveillé là, endolori, avec les autres. Ils sont un peu crochus niveau infos les autres.  Une manière comme une autre de masquer leur ignorance, ou leur peur sans doute. J'aurais été assommé, parait-il, par une « énorme pierre venue du ciel ». Et c'est juste après cet événement qu'on nous a enfermés dans cet abri.
Une telle promiscuité avec les autres, ça crée des liens ! Nous sortirons d'ici unis comme les doigts de la main.  Au début, on est un peu pudiques, c'est normal, mais le temps, et le manque d'hygiène inhérent à notre situation, aident à nous connaître un peu plus... intimement... Arf... Je m'ankylose... Je vais tenter de bouger un peu sans déranger mon voisin... non... la douleur me reprend... sourde, insidieuse, traîtresse... Ne plus bouger. Rester ainsi à attendre que ça passe. Que la torpeur me reprenne. Je n'ai pas eu beaucoup de chance dans ma vie. C'est peut-être ce qui m'a fait défaut, d'être verni. Sortir un peu du lot. Être moins quelconque. Bénéficier d'un petit coup de pouce pour avoir une bonne place, être payé rubis sur l'ongle... quand j'y pense, ça aurait été le pied... avoir à ma botte des gens pour s'occuper de moi... toujours sur mon trente-et-un, bien manucuré, poli... la douleur s'estompe... le sommeil vient...
Secousse. Grondement. Tout se déforme autour de nous. Un bruit infernal nous submerge. La douleur m'étreint autant que la panique. Notre abri soudain se dérobe, se déchire, s'annihile. L'air frais nous fouette. La lumière nous aveugle. Nous ne touchons plus terre. Nous sommes projetés tous les cinq dans les airs. C'est la fin du monde... Cris... grondement...feulement... tout s'enchaîne, tout se déchaîne. Et d'un coup, cette insoutenable douleur qui me traverse de part en part...

Le clochard avait enlevé la chaussure de son pied et la brandissait en direction du félin afin de défendre sa maigre pitance. Mais l'animal affamé ne l'entendait pas de cette oreille. Et le godillot qui venait de siffler à son pavillon venait de le plonger définitivement dans une colère noire. Le pied nu que l'homme venait de lancer à l'assaut était la proie idéale. Le chat bondit, toutes griffes dehors, et mordit d'un coup de dent rageur le gros orteil du malheureux. La protubérance purulente de l'ongle céda sous la canine du félin, déversant son liquide putride dans la gueule de celui-ci. Instantanément il lâcha prise. Un son étrange sortit de son gosier. Ni un miaulement. Ni un feulement. Recroquevillé sur lui-même, le chat aboyait dans une terrible quinte de toux pour recracher l'immonde mixture.

Je suis couvert de sang. La douleur me tenaille et en même temps se calme... Qui sait, peut-être suis-je en train de mourir ? Après tout je ne suis qu'un ongle, un ongle incarné, qui n'a jamais été verni dans sa vie. Et qui souhaite juste ne pas se réincarner dans une autre vie.




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Éléments imposés
une chose, un lieu ou une personne / animal : un ongle incarné
un thème : la fin du monde
le + dont on n'avait (franchement) pas besoin ! : un chat qui aboie


 






Des Nouvelles du Hasard : c'est quoi ? Comment ça fonctionne ?
Liste des nouvelles du hasard


7 commentaires:

  1. Haha ! Excellent ! :D
    Court, simple, efficace.

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  2. J'ai adoré la chute !

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  3. Très sympa! Et bravo pour avoir réussi à réunir ces thèmes pas du tout évidents ^^

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  4. Pas mal, mais alors pas mal du tout ! Les jeux de mots amenant lentement le lecteur à la découverte de l'identité réelle du "personnage", ça m'a scotché. Une superbe réussite pour un challenge pas du tout évident.

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  5. Absolument génial ! j'adore !! :)

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